Sam :
Baptiste, ton premier roman Une étoile filante a été salué pour sa sensibilité, et plusieurs journalistes ont souligné à quel point il semblait nourri par ton quotidien de médecin.
À quel moment t'es-tu dit que ton expérience professionnelle pouvait devenir une matière littéraire ?
Baptiste Luaces :
Le point de départ de tout cela est qu'avant d'être un auteur, je suis un lecteur passionné. Je crois que ma vocation médicale est en partie due à cela, et je pense notamment à l'œuvre de Martin Winckler.
Je parle souvent de lui car il a d'abord influencé mon choix d'exercer la médecine générale, et ensuite celui d'écrire.
Lorsque j'ai lu La Maladie de Sachs, j'ai pensé : « oui, on peut faire de la littérature avec notre quotidien médical ! »
Sam :
Tu évoques Martin Winckler, et ce déclic que tu as eu. Est-ce que tu t’es senti une forme de responsabilité en écrivant à ton tour, ou bien c’était un geste plus intime, personnel ?
Baptiste Luaces :
Je crois que l'art en général, et la littérature en particulier, sont des activités particulièrement sérieuses. Pas dans le sens où il faudrait se prendre au sérieux, mais parce que ce sont des activités essentielles. Indispensables.
L’art donne un sens à nos vies. Puisque dans nos sociétés « Dieu » n'existe plus, alors à quoi sert tout cela ? On naît, on vit, on meurt… mais dans quel but ? Je crois que l'art apporte une partie de la réponse.
Donc oui, je ressens une grande responsabilité à écrire. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai mis beaucoup de temps à me sentir légitime.
Sam :
Ce sentiment de responsabilité, ce besoin de légitimité, tu dis qu’ils t’ont accompagné longtemps. Qu’est-ce qui t’a permis de franchir le pas ?
Baptiste Luaces :
Plusieurs éléments dans ma vie personnelle, mais surtout professionnelle, ont rendu le besoin d'écriture irrépressible.
Comme si une chose en moi tapait de toutes ses forces à la porte pour sortir.
Comme si je n'avais pas d'autre choix que de coucher cette chose sur le papier.
Et puis, j'ai eu la chance de recevoir des retours très positifs.
La question de la légitimité s'est moins posée pour ce second roman.
Sam :
Est-ce que cela signifie que tu l’as écrit plus librement ? Ou avec une autre forme de pression ?
Baptiste Luaces :
Plus librement, sans aucun doute. Peut-être que cela surprendra les gens qui le liront, mais ce second roman me ressemble bien plus.
J'ai pu en quelque sorte « lâcher les chevaux ». Je me suis moins auto-censuré.
Je me suis moins demandé : « que vont penser les gens ? »