Interview (seconde partie)
Dans cette seconde partie, j'évoque plus particulièrement le roman avec Sam.
Ton nouveau roman plonge dans un contexte politique fictif particulièrement sombre, tendu, presque prophétique.
Qu’est-ce qui t’a poussé à imaginer ce basculement autoritaire en France ? Une forme de mise en garde ? Une exploration littéraire ?
Baptiste Luaces :
En réalité, c'est un cauchemar. Au sens littéral du terme.
Quelques mois avant d'écrire ce roman, j'ai été réveillé par un mauvais rêve dans lequel je me rendais à mon travail, le lendemain de la victoire de l'extrême droite aux présidentielles.
Alors je découvrais horrifié les maisons pillées, les voitures brûlées et... des cadavres.
C'est de cette façon qu'est née La Nuit des carabines.
La Nuit des carabines, c’est un événement central. Comment as-tu travaillé cette scène ? Était-ce difficile à écrire ?
Baptiste Luaces :
Cet événement (heureusement fictif) est beaucoup évoqué dans le roman, mais n'est décrit réellement que l'espace d'une scène.
J'ai voulu éviter de me complaire dans la description de la violence, de l'horreur.
J’ai préféré laisser le lecteur (ou la lectrice) plaquer son propre imaginaire sur la question suivante :
« Que se passerait-il si l'extrême droite, dans l'euphorie de sa victoire, déclenchait des pogroms meurtriers ? »
Est-ce un roman politique, alors ? Ou plutôt un roman humain ?
Baptiste Luaces :
Je ne le décrirais pas comme un roman politique.
Disons que les événements politiques sont la toile de fond, presque un personnage.
Mais ce que je souhaitais vraiment explorer, c'est la fragilité de nos convictions, de nos engagements, de notre courage lorsque vient le moment de choisir son camp.
Je ne donne pas de leçon, je ne me pense pas plus vertueux que les autres.
Si j'ai voulu alerter sur une chose, c'est plutôt sur le fait que nos décisions ont des conséquences.
Si l'on met collectivement au pouvoir un régime autoritaire, nous ne pourrons pas faire comme si nous n'étions en rien responsables.
Et alors, une dernière question pour conclure.
Qu’aimerais-tu que les lecteurs ressentent en refermant ton roman ?
Baptiste Luaces :
C’est une question compliquée. Peut-être tout cela à la fois.
J'ai l'impression que tant que les gens ont été percutés, touchés d'une manière ou d'une autre, c'est déjà un peu gagné.
La magie de la littérature, de l'art en général, se trouve là :
on termine un livre et on s'aperçoit qu'on n'est plus tout à fait le même.
Que quelque chose en nous a été changé.
Je trouve cela magnifique.
Avec ce second roman — plus libre, plus engagé, plus intime aussi — Baptiste Luaces nous tend un miroir à la fois brutal et profondément humain.
Un livre qui interroge notre époque, nos responsabilités, nos silences.
Un roman qui ne donne pas de leçons, mais qui bouleverse, qui questionne, qui marque.
Sortie prévue à l’automne 2025.
Restez attentifs.